Les textes de Noëlle Renaude (née en 1949) peuvent s’approcher comme des paysages. Des paroles s’y superposent, s’y croisent, s’y répondent – ou non – dans l’espace de la page, ou dans ses marges, et dans l’espace de la scène ainsi topographié, pour évoquer des lieux où se rencontrent, s’affrontent, se séparent, se retrouvent des personnages anonymes – ou non - ici : Bob, Tom, Pat, Matt, Bess (et autres prénomonosyllabes). Ce sont des paysages à jouer, pour jouer.
Les textes présentés sont adaptés de :
La Promenade, 2009 & Promenades, 2003, extraits de Sans carte sans boussole sans équipement, Editions Théâtrales, 2010
Première carte, extrait de Topographies, Editions Théâtrales, 2008
Ont participé aux travaux :
Lena AKHATAR Cédric ARAUJO
Jeanne ARCIS |
Yasmine Anaïs CINIER Ryan |
CHIBANE Tahra MEKRAZI MERIDJI
|
Mathieu BALDO Djihane BERKANE Joffrey BOSC |
Claire DETCHEVERRY
Maëva FORET |
Tara M’HAMDI-CHANDELIER Marie MOUNIER Camille RENARD |
Romane CHARBONNIER
Océane |
Théo GEREY
GUIGUE Marie- |
et Valérie SOUCHON Hélène VOURZAY |
Le travail de l'option théâtre du lycée Urfé sur ces textes dramatiques a débuté fin décembre et s'est prolongé jusqu'à la fin du mois de Mars : deux présentations de travaux ont eu lieu à la salle Marie-Hélène Dasté du lycée E. Mimard le jeudi 31/03/2016 en après-midi (pour les classes du lycée) et une autre en soirée.
Les travaux préparatoires ont été menés par Béatrice Moulin de la compagnie Le Trouble Théâtre à St Etienne, Marie-Hélène Vourzay (professeur en charge des terminales et 1ères) et Valérie Souchon (en charge des autres 1ères et 2ndes), les deux groupes d'élèves de l'option étant réunis dans ce projet collectif.
Voici quelques ressources documentaires, des présentations des textes de Noëlle Renaude ainsi que des extraits pour vous donner une idée de nos travaux.
Extrait du prologue :
"La promenade se fait sans carte sans boussole sans équipement. Elle se fait seul à plusieurs avec ou sans chien. À vélo à cheval ou en barque mais plus généralement à pied. Avec une canne un bâton les mains dans les poches ou bras ballants, la promenade se fait dans un périmètre connu, apprécié, un cadre familier. La promenade est une chose qu’on fait, refait, reproduit, réitère, ça ne se réinvente pas la promenade. On en connaît en général le déroulement par cœur. Elle ne doit pas surprendre, ce n’est pas son but. On n’a rien à y découvrir de neuf. On n’en modifie pas les trajectoires et encore moins les contours qui sont du ressort du paysage sur lequel on ne peut rien. On sait toujours, en promenade, où on va. On sait toujours, en promenade, où on est. On ne s’y perd jamais ce serait ridicule voire honteux de se perdre en se promenant. Même sorti des sentiers battus on sait qu’on est encore chez soi. La promenade fait partie des habitudes. La promenade se fait toujours dans le coin et surtout pas en milieu hostile. La promenade permet qu’on se dérouille, qu’on prenne l’air, qu’on fasse courir le chien ou qu’on digère mais aussi qu’on vérifie que les choses sont pérennes et encore à la place où on les a toujours vues. (…) La promenade n’a rien d’obligatoire. Et c’est encore heureux. Il y a les promenades favorites, les rituelles, celles qu’on fait dans l’ordre, toujours le même, celles qui s’accordent au temps dont on dispose ou au temps qu’il fait ou à la saison. Les promenades qu’on aime faire partager mais dans lesquelles personne ne veut nous suivre. (…) Il y a les promenades mémorables troublées par un événement, un animal mort une chute stupide une attaque de taons la rencontre avec un chasseur et sa meute. (…) La promenade peut être ratée ou réussie, produire un sentiment de stérilité absolue ou au contraire de plénitude absolue, elle peut aussi et c’est sa nature première ne produire que le plaisir ou le déplaisir qu’on a à la faire. Les promenades avortées rendent tristes, on se sent frustré à l’inverse, si on part pour le petit tour et qu’on fait en fin de compte le très grand tour on tire de cette rallonge inattendue une belle satisfaction et ça n’est pas rien. Une promenade ne se prépare pas, ne se prévoit pas à l’avance. On ne dit pas tiens si on allait se promener dans quinze jours à tel endroit. La promenade est instinctive. Sitôt désirée décidée elle se fait. Ou pas. (…)"
Extrait adapté (par Béatrice Moulin) de "CE QU’ON PEUT IMAGINER QUI PRÉCÉDA CE QUI SUIVRA ET ÊTRE VU COMME UN DÉBUT DE FIN".
(Tableau 1 et 2)
« Je m’appelle Pat.».
«Je m’appelle Bob.».
Bob a quitté Mag.
«Mag je dis, notre vie tombe en poudre. Regardez encore vos croquis les photos de vos trois fils la vue qu’on a nos vieilleries Je pars, Mag, et j’ai ouvert la porte».
Pat habite un grand appartement au troisième étage au bord du canal.
« Nous sommes au-dessus du réel, Bob.».
« Notre amour est unique et ravissant, Pat.».
Marie Claire habite Neuilly. Elle est la maîtresse de Bob.
Pat : « Connaissez-vous la femme là-bas de profil derrière cet homme à blouson gris. Elle a regardé dans votre direction avec perplexité.»
Pat ne connait pas Tom, l’ami de Bob, qui a une maison avec un joli jardin.
Bob : «Je dois descendre c’est obligatoire pour les fêtes, il me tanne depuis des mois.
Pause
Bob : «La femme du train ça me tarabustait est une ancienne nurse qu’on avait embauchée quand mon beau-fils avait deux ou trois ans. »
Pat : «Une nurse? Vous dites une nurse sans rire?»
Jim est le meilleur ami de Bob
Bob : « Voici Jim et voici Pat.»
Pat : « Je vous connais enfin.»
Jim : « Moi aussi.»
Tom, l’ami de Bob, que Pat ne connait pas et qui a une maison avec un joli jardin a une sœur : Bess.
Bob : «Je m’absenterai 3 jours et 1/2. Un séminaire. À 3 km au nord de Marseille. Nous serons 14. Je pars à 8h47 gare de Lyon demain matin quai C.»
Pat : «Les détails nous tueront.»
Extrait de Topographies : présentation (par l'auteur) :
"LA MISE EN SCÈNE DE LA PAGE
Conventionnellement, la didascalie, l’indication scénique et son italique, ont cette fonction oblique et masquée, parallèle, de prendre en charge le cadre futur de la scène, de délivrer l’image, globale ou parcellaire, la durée, la dynamique, dans lesquelles siège le texte à jouer. Elles sont aussi, l’une et l’autre, assez souvent, l’alibi d’une théâtralité, un à-côté de la réplique qui en font des outils secondaires, des propositions scéniques à masquer, à ne pas lire, juste une indication, en effet, de jeu, de temps, de lieu, de mouvement, que le lecteur, l’acteur, le metteur en scène peuvent tout aussi bien ignorer. Dès le début, cette question de la didascalie n’a cessé de me préoccuper et j’ai tenté de la traiter de diverses façons : très souvent par annulation radicale, jusqu’à abolition de tout socle fi ctionnel, laissant la parole se charger de tout ce qui est nécessaire au jeu, au déplacement, à la création du lieu. Topographies est la première pièce (écrite en 2004) où j’ai essayé, par le jeu typographique, la place des répliques dans la page, de donner à voir le plus concrètement et précisément possible les points d’émission de la parole, la source qu’est le corps qui la portera sur la scène future, en disposant simplement les mots, selon les besoins de la situation et de la dynamique créée, dans le blanc de la page. De telle manière que la parole issue d’un locuteur immobile sera située toujours au même endroit, tandis qu’un locuteur en mouvement se déplacera avec la sienne (la phrase traversant les espaces des autres, quand il s’en rapproche, sortant du cadre de la page quand le personnage sort du cadre de la scène, et y rentrant par l’autre bord, etc.). Une manière de cartographie littéraire animée, avec ses quadrillages, débords, cases, couloirs de circulations, permettant de faciliter la lecture, de faire fusionner l’espace de la page, sur l’écran, et l’espace de la scène, comme l’un préfigurant l’autre."